Mon stage périphérique s’annonce mal, j’ai vraiment du mal à m’adapter.
Les stages de 7ème année de médecine se font dans les 4 grandes disciplines, à savoir la chirurgie, la médecine, la pédiatrie et la gynécologie. J’ai commencé par le service de pédiatrie.
C’est une spécialité que j’aime beaucoup, mais ma déception avec ce stage est grande.
Rien ne se fait correctement, je me crois dans un autre monde. Un copain m’a dit aujourd’hui, bienvenue au Maroc.
Je crois qu’on aurait fait mieux en état guerre. Au service, pas de thermomètre, pas de gants, pas de bétadine, pas d’intranules, pas de compresses…à chaque fois qu’on demande quelque chose : non hadi makaynach !!!! C’est pas normal.
Comment peut on surveiller des syndromes fébriles sans thermomètre ?
J’ai dû donc me faire à l’idée que le Maroc est un pays très pauvre, et qu’un hôpital aussi grand que celui de Kénitra n’a pas les moyens de s’offrir du matériel de luxe !
Ça fait trois semaines que j’ai commencé, j’ai oublié tout examen dénommé échographie, j’ai barré de ma liste tous les antibiotiques sauf l’ampicilline (seul antibiotique disponible au service et qui semble guérir tous les maux), j’ai oublié toutes les conduites à tenir qu’on a apprises au CHU…mais il y’a une chose que je n’arrive pas à admettre : le manque d’asepsie.
Les lunettes et les masques d’oxygène qui passent d’un malade à l’autre sans la moindre asepsie, les prélèvements qui se font sans gants, les toilettes qui puent et qui donnent sur la salle des nouveaux nés…
Les infirmières sont les veilles marmites, selon un pédiatre du service. Elles ne font strictement rien, tous les protocoles qu’on prescrit ne sont pas du tout faits ni respectés, et ça passe…personne ne leur dit rien, leur insouciance ne choque plus, elle fait parti du quotidien.
Des fois je me dis que j’hallucine, que tout ça n’existe pas…moi qui me plaignais du CHU, je me cogne la tête contre un autre vécu encore plus amer, celui des hôpitaux provinciaux, où la misère embrasse le manque de conscience, où tous les jours des gens meurent non seulement par manque de moyens mais aussi à cause de l’indifférence et de la négligence.
Je ne dors plus bien, je fais des cauchemars à cause de tout ça, je n’arrive pas du tout à m’adapter…
Un prof ne cessait de nous dire une phrase qui résonne beaucoup dans ma tête ces derniers jours : ce n’est pas parce qu’on est misérables, qu’il faut qu'on travaille misérablement.
Ce n’est que le début…